- GRAND CANAL (Chine)
- GRAND CANAL (Chine)GRAND CANAL, ChineLes grands fleuves qui traversent le sous-continent chinois coulent d’ouest en est. Si l’idée de creuser des canaux faisant communiquer les différents drainages du nord au sud remonte à l’Antiquité, l’aménagement d’un boulevard fluvial continu date de la réunification de l’empire par les Sui: il répondait au besoin d’approvisionner la métropole et les frontières stratégiques, situées au nord, avec les surplus du Sud (principalement le bassin inférieur du Yangzi). Le canal des Sui se composait de plusieurs tronçons aménagés entre 584 et 610, dont certains reprenaient d’anciens tracés ou empruntaient des rivières naturelles. Une première section partait de Hangzhou au sud et rejoignait le Yangzi à Zhenjiang; un autre joignait le Yangzi à la Huai; un important tronçon de presque 1 000 kilomètres, le canal de Bian, se dirigeait vers le nord-ouest et rejoignait le fleuve Jaune non loin de Kaifeng. De là, une partie des transports remontait le fleuve Jaune jusqu’aux gorges de Sanmen, d’où un dernier tronçon, parallèle à la Wei, gagnait la capitale Chang’an au Shaanxi. Une autre branche, partant non loin de Kaifeng et reliant plusieurs rivières aménagées, se dirigeait au nord-est jusqu’à Tianjin et Pékin. L’ensemble est resté en service jusqu’au début du XIIe siècle; la section la plus chargée était le canal de Bian, qui sous les Song approvisionnait la capitale, Kaifeng, et auquel se rattachaient de nombreuses branches secondaires. Le repli des Song au sud marque la fin de cette première époque.Les Mongols réunifient la Chine en 1280 et fixent leur capitale à Pékin. Le développement spectaculaire des forces productives au sud du Yangzi et les dévastations encourues par le Nord rendent plus nécessaire que jamais l’organisation de transferts massifs d’approvisionnements entre le centre économique de l’empire et son centre politique. Pour éviter le long détour par l’ouest auquel oblige le franchissement du fleuve Jaune à hauteur de Kaifeng, un tracé beaucoup plus direct est ouvert entre le cours inférieur de la Huai et Tianjin. Achevé en 1289, il sera conservé jusqu’à nos jours à quelques détails près. Ce «second Grand Canal» a la forme d’un vaste S; il s’étend sur dix degrés de latitude, et sa longueur est de près de 1 800 kilomètres.Le premier Grand Canal (des Sui aux Song) supposait déjà de considérables prouesses en matière de génie civil: énormes cubages de terre à déplacer (le canal de Bian achevé en 605 aurait mobilisé cinq millions d’hommes et de femmes), systèmes de digues et de portes au franchissement des fleuves, écluses doubles, ou simples avec plans inclinés pour tracter les bateaux, captage de rivières pour maintenir le canal en eau, dérivations pour drainer les crues... Le franchissement des contreforts du Shandong, qui fait du tronçon inauguré par les Yuan un véritable canal de point de partage, posait de bien plus grands problèmes encore. La section sommitale est à plus de 40 mètres au-dessus du niveau du Yangzi à sa jonction avec le canal, et doit être alimentée en permanence par les rivières au débit irrégulier qui descendent des montagnes du Shandong. La pente doit être escaladée par une série d’écluses (si la double écluse est bien attestée sous les Song, le second canal ne comportait que des écluses à chasse avec plans inclinés et treuils). Ces problèmes n’ont en fait été résolus que par les ingénieurs Ming au début du XVe siècle, grâce notamment à la création d’une série de réservoirs latéraux: c’est à partir de là que la voie maritime (de l’embouchure du Yangzi à Tianjin) a cessé d’être une alternative viable et régulièrement utilisée. Mais on recommence à en parler sérieusement dans les premières années du XIXe siècle, à un moment où le coût grandissant du transport sur le canal (qu’explique notamment la corruption qui a envahi le système) se combine à la dégradation physique de la voie d’eau. Celle-ci est la conséquence des inondations de plus en plus graves du fleuve Jaune, dont les alluvions envahissent et bloquent le canal à proximité de leur point de jonction (au sud du Shandong jusqu’en 1853). L’abandon définitif n’intervient cependant qu’après 1845, sauf pour la fraction très limitée du tribut livrée par les provinces du Nord. Dès lors le trafic se limite à des échanges purement locaux assurés par des péniches de faible gabarit. Le canal est remis en état et modernisé par la République populaire, mais, depuis la construction, à la fin de l’empire, des voies ferrées reliant Pékin à Nankin et Wuhan, il n’a plus qu’un rôle économique marginal.La principale fonction du canal était fiscale et logistique: le transport des grains destinés à nourrir la cour, la bureaucratie et les armées de la métropole et de la frontière nord. Une certaine proportion du trafic revenait cependant au commerce privé, auquel était d’ailleurs réservée une fraction de la capacité des bateaux transportant le «tribut». Comme ce dernier, la majeure partie du trafic marchand circulait du sud au nord. Cette activité a entraîné l’éclosion de plusieurs cités marchandes le long du canal ou à proximité immédiate: Linqing (dès les Yuan), Jining, Tianjin, Huaian, Huaiyin, Baoding, Hejian... Beaucoup connaissent une crise grave avec l’abandon de la voie d’eau au XIXe siècle. Cela dit, le trafic marchand sur le Grand Canal des Ming et des Qing était bien moindre que le long du Yangzi ou sur les routes maritimes côtières.
Encyclopédie Universelle. 2012.